jeudi 4 septembre 2014

La traversée de la Manche en relai 2014 - Part 1



Petit Frère





Comment tout a commencé…

Mars 2013 : c’était la période où mon moral était au plus bas avec l’accumulation continue de blessures, où j’étais à 2 doigts d’envoyer promener le triathlon et pire encore, de renoncer à faire d’autres ironman… J’avais un gros sentiment d’inachevé et de gâchis et, ne pouvant tout de même pas renoncer au sport, j’avais envie de me trouver un autre défi un peu fou et c’est sur OT, dans une rubrique du style « quelles courses rêveriez-vous de faire » que quelqu’un a mentionné la traversée de la Manche à la nage ! Le concept me disait bien et j’ai commencé à chercher le plus d’informations possibles sur le sujet ; j’en ai trouvé pas mal en anglais mais très peu en français, à croire que la nage extrême en eau libre ne comptait qu’un cercle très restreint de nageurs français. Le 1er blog sur lequel je suis tombée fut celui de Jacques Tuset qui avait fait la traversée en 2002, puis la vidéo de la traversée de Sylvain Estadieu en 2009 ainsi que son blog où il annonçait qu’il se préparait pour la faire de nouveau mais en papillon en septembre 2013 ! Ensuite j’ai lu le bouquin de Philippe Croizon, un nageur amputé des 4 membres qui l’a fait en combi et palmes en 2010, ainsi que vu la vidéo de Stéphane Lorenzo, 1er nageur handicapé à avoir accompli aussi en 2010 la traversée dans le cadre strict de la CSA (Channel Swimming Association). Puis j’ai trouvé quelques discussions sur des forums de natation dans les rubriques de nage en eau libre, mais sans plus.


Sur le forum Nat-action j’ai vu l’annonce  d’un gars, François-Xavier (de Poitiers), qui recherchait des co-équipiers pour faire la Manche en relai mais… son annonce remontait à 2010 et malgré ses relances chaque année il n’avait pas l’air d’avoir trouvé grand monde. 



J’ai donc tenté ma chance en lui envoyant un message et en 2 temps 3 mouvements on s’est mis d’accord pour le faire en relai à deux et on avait déjà réussi le plus important : à savoir booker un pilote pour la 1ère semaine de septembre 2014, c’est à dire plus d’un an et demi avant ! C’est déjà un monstre coup de bol car normalement les pilotes sont pleins parfois plus de 2 ans à l’avance. Le notre sera donc Peter Reed, un pêcheur anglais de Folkestone qui navigue avec son fils Peter Junior. Il a été très sympa dès les premiers échanges de mails et a répondu à toutes les questions qu’on lui posait. Il nous proposait donc une 2ème position sur l 1er « neap tide » (la période où les courants sont le moins forts et où les conditions de nage sont théoriquement les plus favorables pour réussir la traversée) de septembre, du lundi 1er au samedi 6 septembre. Un mois plus tard il nous annonce que celui en 1ère position chez lui s’est désisté et donc la place nous est revenue… vraiment un bol monstrueux.


Entre parenthèse : si vous voulez en connaître plus sur la Traversée de la Manche : son historique, le déroulement d’une traversée, le règlement, la Channel Swimming Association, les pilotes, les marées, la géographie, les records, ainsi que tous les termes spécifiques du style neap tide, spring tide, slot, 1st-2nd-3rd-4th position, CSA, CSPF, observer, lanoline etc… je vous conseille d’aller faire un tour sur le blog de Jacques : c’est super bien expliqué et très complet, j’y ai trouvé une mine d’informations!

Je suis ensuite entrée en contact avec Jacques et Sylvain par mail et facebook ; ils ont été d’une énorme aide, super sympas et très disponibles avec plein de conseils sur la préparation, la logistique, la traversée, les questions bêtes qui nous viennent… en bref, sur TOUT quoi ! Restait donc à trouver des autres co-équipiers, car d’après Sylvain, effectuer un relai à deux était presque aussi difficile que de le faire en solo car le fait de sortir de l’eau toutes les heures pour seulement se reposer pendant 1h, avec le froid, la fatigue, le mal de mer sur le bateau… ce n’était pas facile. J’ai fait la connaissance de Sergio (de Genève), un pote de mon ancien coach Pierrot, et je me rappelle encore le moment où je lui ai exposé le projet ; c’était le jour de la fête nationale suisse le 1er août à la plage d’Hermance et il a tout de suite accepté, avant même de réaliser vraiment ce que cela représentait et dès ce jour-là, il s’est mis la pression à fond pour notre relai.

Nous étions donc trois… mais trois inexpérimentés en matière de nage en eau libre (mis à part Sergio qui avait fait la traversée du lac Léman peu avant) et surtout de nage en eau froide. En octobre 2013, on a donc invité Jacques et Sylvain à faire partie de notre relai ; Sylvain ne pouvait malheureusement pas venir car il sortait de 2 années très chargées qui se sont terminées en apothéose avec la réussite de sa traversée de la Manche en papillon un mois plus tôt!!! Juste incroyable, surtout quand je me rappelle mes années compet où je terminais un 200m pap en petit bassin complètement à l’agonie ! Par contre Jacques était partant, OUF quel soulagement, cela donnait tout de suite une dimension plus sérieuse et une sécurité pour nous d’avoir un nageur aussi expérimenté à nos côtés, d’autant plus qu’il est le représentant français de la CSA.


Entre temps les mois ont filé à toute vitesse et on arrive déjà en mars où Jacques nous avait invité à le rejoindre chez lui à Montpellier pour nager. Pour mettre toutes les chances de notre côté pour réussir la traversée, Jacques nous a suggéré d’avoir un ou deux nageurs de plus (le nombre maximal étant de 6 nageurs pour un relai) en proposant Hugues (de Lyon) que Sergio et lui avaient rencontré lors d’un stage en eau libre. Le 6ème étant René (de Béziers) un ami de Jacques. Nous nous sommes donc tous rencontrés le 15 mars et avons validé le test des 2h de nage qu’il fallait faire dans une eau à moins de 15.5°C (en fin de compte on aura nagé dans une eau à 12.3°C). Par contre on perdit René en route car il ne pouvait pas se libérer de son travail pour la période de la traversée et on s’est finalement retrouvé à 5 dans l’équipe : Jacques, Hugues, Sergio, FX et moi. On n’est pas arrivé à se revoir pour nager ensemble une seconde fois et chacun s’est donc entraîné de son côté.

Par la suite, Hugues nous a proposé de profiter de notre challenge pour promouvoir la CSC, « Connaître les syndromes cérébelleux », une association de malades et familles de malades atteints d’une maladie touchant le cervelet, et ceci pour deux raisons : FX voulait faire la traversée en mémoire de son petit frère décédé d’un paragangliome (une maladie génétique rare), et Hugues souhaitait également la faire pour le petit frère de sa meilleure amie atteint d’une maladie cérébelleuse génétique rare, d’où le choix de CSC. C’est également pour cela qu’on a baptisé notre équipe « Petit Frère ». Après être entré en contact avec eux, on a créé une page de collecte sur Alvarum, et l’association nous a sponsorisé en bonnets de natation et t-shirts et les représentants se sont énormément investis et mobilisés pour l’évènement. Un grand merci à eux ainsi qu’à tous les donateurs !



Voilà à peu près les grandes lignes de notre histoire. Sandrine est également de la partie car elle va nous accompagner sur le bateau. On a tout prévu niveau matos de réanimation car une fois en pleine mer, s’il arrive un accident à l’un d’entre nous, on peut toujours attendre avant d’avoir des secours… et au vu des 2 décès de nageurs pendant leur traversée dans les années précédentes (bien que c’étaient des nageurs solo, donc pas vraiment comparable à un relai) on a préféré assurer.

Sinon ma préparation aura été plus que chaotique, comme toujours… Sur les conseils de Jacques, on avait tous commencé à prendre des douches froides et à ne pas trop se couvrir en hiver. J’avais envisagé des entraînements dans le lac Léman avec Sergio pour se motiver mutuellement, mais au final rien du tout, surtout par manque de temps, parce que je devais aussi rouler et marcher (car j’avais Roth en juillet) et aussi à cause des douleurs à l’épaule puis à cause de l’opération (oui, je sais… les excuses à 2 balles). Le test des 2h à Palavas aura été ma sortie la plus longue et la seule en eau froide. Pour une traversée en solo ça aurait été juste impossible, c’est catégorique, mais pour un relai avec une estimation du temps de nage entre 3 à 5 heures, ça peut le faire.



Samedi 30 août


RDV à 8h du matin à l’aéroport avec Sandrine et Sergio : embarquement sur un vol Easyjet pour Londres Gatwick puis le reste du voyage se fera en train jusqu’à Folkestone (via London Saint-Pancras) et par bus jusqu’au camping de Varne Ridge, situé entre Folkestone et Dover, juste au bord de la falaise avec une vue incroyable sur la Manche et les côtes françaises au loin. 



Mais surtout, c’est LA mecque des nageurs du monde entier, l’endroit où beaucoup viennent se loger lorsqu’ils font la traversée. D’ailleurs le camping a été rebaptisé « Channel Swimming Holiday Park » et les propriétaires, David et Evelyn, sont toujours aux petits soins pour les nageurs en les dépannant avec des affaires ou en les aidant pour quoi que ce soit.



Ils ont une petite pièce comme la caverne d’Ali Baba, remplie d’affaires que d’anciens nageurs ont laissé pour les suivants : linges, habits chauds, bottes, thermos etc, ce qui nous a bien aidé car du coup on a pu emprunter des bottes hautes et des vestes ainsi que plusieurs autres affaires « au cas où ». 


Bref, on ne pouvait juste pas rater ça ! En plus l’ambiance mobile home avec toute l’équipe serait une super expérience.



On arrive en début d’après-midi et on s’installe dans notre mobile home. Ce n’est pas très grand mais largement suffisant pour 6 personnes avec 3 chambres et bien équipé. Deux heures plus tard Hugues arrive en voiture avec FX, qu’il a récupéré à la gare de Calais. 



On téléphone à notre pilote pour lui dire qu’on est bien arrivé, et il nous propose de passer le lendemain au port pour le rencontrer. Tout le monde est fatigué par le voyage, donc on ne tarde pas pour dîner et se coucher tôt. Je suis complètement claquée et j’ai les tibias et les muscles tibial antérieur en feu malgré les patchs de Flector collés dessus en permanence…





Dimanche 31 août


Lever tranquille, je me les suis caillé pendant la nuit, heureusement qu’on avait des gros duvets. Après le petit-déj on en a profité pour aller à Hythe, à l’ouest de Folkestone, car les autres souhaitaient nager un peu en mer pour tester l’eau. Vu qu’il y avait la possibilité que le départ de notre traversée se fasse dans la nuit même, j’ai préféré rester au sec et économiser mon épaule. 



Apparemment l’eau était super bonne et pas froide, environ à 17°C avec un soleil magnifique et très peu de vagues... 



Plutôt rassurant, mais les conditions météo peuvent virer du tout au tout en un rien de temps et il est donc impossible de savoir à quoi s’en tenir pour les heures à venir même si on peut avoir une petite idée de la tendance. Petit passage au supermarché pour acheter de quoi se ravitailler sur le bateau et quelques bricoles de dernières minutes et l’on rentre pour déjeuner.


Pimpin Powaaa
Entre-temps deux journalistes en freelance, Emmanuelle et Nils, sont arrivés au camping : ils font un reportage sur les différents moyens de traverser la Manche pour France 3 Bretagne et ils avaient pris contact avec Jacques pour nous suivre sur le bateau. 



Notre bateau : le Rowena FE75
On se rend tous ensemble au port de Folkestone à 14h30 pour voir notre pilote Peter Reed, très sympathique et qui nous annonce d’emblée que la traversée se ferait cette nuit-même…



RDV à minuit trente au port, pour un départ environ une heure plus tard ! Bref, d’un coup la tension monte d’un cran, tout le monde est excité et personne n’arrive à dormir même s’il le faut ; en plus il ne nous reste que très peu de temps pour préparer toutes nos affaires. 



Et surtout, Jacques n’arrivera qu’à 20h30 ce soir, il vient directement d’Irlande où il a passé les 3 derniers jours à Sandycove (une autre mecque de la nage en eau libre) pour nager plusieurs courses avec ses amis, et lui non plus n’aura pas eu le temps de se poser. Hugues part le chercher en voiture tandis que j’essaie de me reposer en écoutant de la musique, à défaut de pouvoir dormir.


A l’arrivée de Jacques on se met tous à table et on discute un peu de la stratégie de course et des derniers points pour la traversée. 



On aura également parlé en long, en large et en travers des requins (non, il n’y en a jamais eu… oui c’est cela, mais il y a toujours un début à tout !!!), ma pire hantise pour cette traversée surtout que je vais devoir nager mon 1er tour de nuit. C’est une peur irrationnelle mais c’est comme ça, et le fait d’avoir vu et revu tous les épisodes des dents de la mer quand j’étais gamine n’arrange certainement pas les choses ! 


Même en photo tout petit, il fout les boules...
Donc, avec la musique bien flippante du film dans la tête, j’écoute Jacques qui m’explique comment il faut se comporter si on est tout d’un coup face à un requin : se mettre droit dans l’eau et repousser son « nez » de la main… oui oui, bien sûr… mais ça c’est avant ou après que le grand blanc t’ai déchiqueté le bras avec ses 200 dents acérées? Pffff, mais quelle horreur !!!!!! Dire que je vais peut être crever cette nuit en me faisant bouffer par un requin !!! Pourtant, ça n’a pas l’air de tellement inquiéter les 4 autres… Qu’est-ce que je fous là ?!?


On termine les derniers préparatifs, chacun s’est occupé de son propre matériel et de son ravitaillement personnel, mais on a également une caisse en commun pour l’eau et les sandwichs.



Il est 23h50 : toutes les affaires sont chargées dans la voiture, il fait nuit noire et on se les pèle… Du camping on arrive à distinguer au loin les côtes françaises avec les lumières, mais c’est très très lointain, et moyennement rassurant quand Jacques nous dit « vous voyez les lumières en face? ben c'est là qu'il faut aller ! »...








 

3 commentaires:

  1. Rrhhaaaaaa, mais elle est où la suite ??? Moi je suis déjà dans l'eau, je suis à fond, j'ai l'impression d'y être ... j'en ai des frissons !!
    Mais quel challenge de fou sinon, j'imagine bien l'excitation, le stress et la joie (ou pas) du départ. Allez, on ne joue pas avec les nerfs de ses lecteurs, envoies la suite !!!!
    Stéphane ;-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. LOL la suite et fin (part 2-3-4) sont déjà publiés depuis 1 semaine mdr :-)))
      les ronds de cotons de la CCC t'ont laissé des traces :-)

      Supprimer
  2. Rhaaa mais quel boulet je fais ^.^ Bon, en même temps c'est Google qui me dit qu'ici c'est ton dernier article publié donc ... me réjouis de lire la suite (au moins je n'aurai pas trop attendu)

    RépondreSupprimer