Petit Frère
Comment tout a commencé…
Mars 2013 : c’était la période où mon moral
était au plus bas avec l’accumulation continue de blessures, où j’étais à 2
doigts d’envoyer promener le triathlon et pire encore, de renoncer à faire
d’autres ironman… J’avais un gros sentiment d’inachevé et de gâchis et, ne
pouvant tout de même pas renoncer au sport, j’avais envie de me trouver un
autre défi un peu fou et c’est sur OT, dans une rubrique du style « quelles
courses rêveriez-vous de faire » que quelqu’un a mentionné la traversée de
la Manche à la nage ! Le concept me disait bien et j’ai commencé à chercher
le plus d’informations possibles sur le sujet ; j’en ai trouvé pas mal en
anglais mais très peu en français, à croire que la nage extrême en eau libre ne
comptait qu’un cercle très restreint de nageurs français. Le 1er
blog sur lequel je suis tombée fut celui de Jacques Tuset qui avait fait la
traversée en 2002, puis la vidéo de la traversée de Sylvain Estadieu en 2009
ainsi que son blog où il annonçait qu’il se préparait pour la faire de nouveau
mais en papillon en septembre 2013 ! Ensuite j’ai lu le bouquin de
Philippe Croizon, un nageur amputé des 4 membres qui l’a fait en combi et
palmes en 2010, ainsi que vu la vidéo de Stéphane Lorenzo, 1er
nageur handicapé à avoir accompli aussi en 2010 la traversée dans le cadre
strict de la CSA (Channel Swimming Association). Puis j’ai trouvé quelques
discussions sur des forums de natation dans les rubriques de nage en eau libre,
mais sans plus.
Sur le forum Nat-action j’ai vu l’annonce d’un gars, François-Xavier (de Poitiers), qui
recherchait des co-équipiers pour faire la Manche en relai mais… son annonce
remontait à 2010 et malgré ses relances chaque année il n’avait pas l’air
d’avoir trouvé grand monde.
J’ai donc tenté ma chance en lui envoyant un message et en 2 temps 3 mouvements on s’est mis d’accord pour le faire en relai à deux et on avait déjà réussi le plus important : à savoir booker un pilote pour la 1ère semaine de septembre 2014, c’est à dire plus d’un an et demi avant ! C’est déjà un monstre coup de bol car normalement les pilotes sont pleins parfois plus de 2 ans à l’avance. Le notre sera donc Peter Reed, un pêcheur anglais de Folkestone qui navigue avec son fils Peter Junior. Il a été très sympa dès les premiers échanges de mails et a répondu à toutes les questions qu’on lui posait. Il nous proposait donc une 2ème position sur l 1er « neap tide » (la période où les courants sont le moins forts et où les conditions de nage sont théoriquement les plus favorables pour réussir la traversée) de septembre, du lundi 1er au samedi 6 septembre. Un mois plus tard il nous annonce que celui en 1ère position chez lui s’est désisté et donc la place nous est revenue… vraiment un bol monstrueux.
J’ai donc tenté ma chance en lui envoyant un message et en 2 temps 3 mouvements on s’est mis d’accord pour le faire en relai à deux et on avait déjà réussi le plus important : à savoir booker un pilote pour la 1ère semaine de septembre 2014, c’est à dire plus d’un an et demi avant ! C’est déjà un monstre coup de bol car normalement les pilotes sont pleins parfois plus de 2 ans à l’avance. Le notre sera donc Peter Reed, un pêcheur anglais de Folkestone qui navigue avec son fils Peter Junior. Il a été très sympa dès les premiers échanges de mails et a répondu à toutes les questions qu’on lui posait. Il nous proposait donc une 2ème position sur l 1er « neap tide » (la période où les courants sont le moins forts et où les conditions de nage sont théoriquement les plus favorables pour réussir la traversée) de septembre, du lundi 1er au samedi 6 septembre. Un mois plus tard il nous annonce que celui en 1ère position chez lui s’est désisté et donc la place nous est revenue… vraiment un bol monstrueux.
Entre parenthèse : si vous voulez en connaître
plus sur la Traversée de la Manche : son historique, le déroulement d’une
traversée, le règlement, la Channel Swimming Association, les pilotes, les
marées, la géographie, les records, ainsi que tous les termes spécifiques du
style neap tide, spring tide, slot, 1st-2nd-3rd-4th position, CSA,
CSPF, observer, lanoline etc… je vous conseille d’aller faire un tour sur le blog de Jacques : c’est super bien expliqué et très complet, j’y ai trouvé
une mine d’informations!
Je suis ensuite entrée en contact avec Jacques et Sylvain par mail
et facebook ; ils ont été d’une énorme aide, super sympas et très
disponibles avec plein de conseils sur la préparation, la logistique, la
traversée, les questions bêtes qui nous viennent… en bref, sur TOUT quoi !
Restait donc à trouver des autres co-équipiers, car d’après Sylvain, effectuer
un relai à deux était presque aussi difficile que de le faire en solo car le
fait de sortir de l’eau toutes les heures pour seulement se reposer pendant 1h,
avec le froid, la fatigue, le mal de mer sur le bateau… ce n’était pas facile.
J’ai fait la connaissance de Sergio (de Genève), un pote de mon ancien coach
Pierrot, et je me rappelle encore le moment où je lui ai exposé le projet ;
c’était le jour de la fête nationale suisse le 1er août à la plage
d’Hermance et il a tout de suite accepté, avant même de réaliser vraiment ce
que cela représentait et dès ce jour-là, il s’est mis la pression à fond pour
notre relai.
Nous étions donc trois… mais trois inexpérimentés en matière de
nage en eau libre (mis à part Sergio qui avait fait la traversée du lac Léman
peu avant) et surtout de nage en eau froide. En octobre 2013, on a donc invité
Jacques et Sylvain à faire partie de notre relai ; Sylvain ne pouvait
malheureusement pas venir car il sortait de 2 années très chargées qui se sont
terminées en apothéose avec la réussite de sa traversée de la Manche en
papillon un mois plus tôt!!! Juste incroyable, surtout quand je me rappelle mes
années compet où je terminais un 200m pap en petit bassin complètement à
l’agonie ! Par contre Jacques était partant, OUF quel soulagement, cela
donnait tout de suite une dimension plus sérieuse et une sécurité pour nous
d’avoir un nageur aussi expérimenté à nos côtés, d’autant plus qu’il est le
représentant français de la CSA.
Entre temps les mois ont filé à toute vitesse et on arrive déjà en
mars où Jacques nous avait invité à le rejoindre chez lui à Montpellier pour
nager. Pour mettre toutes les chances de notre côté pour réussir la traversée,
Jacques nous a suggéré d’avoir un ou deux nageurs de plus (le nombre maximal
étant de 6 nageurs pour un relai) en proposant Hugues (de Lyon) que Sergio et
lui avaient rencontré lors d’un stage en eau libre. Le 6ème étant
René (de Béziers) un ami de Jacques. Nous nous sommes donc tous rencontrés le
15 mars et avons validé le test des 2h de nage qu’il fallait faire dans une eau
à moins de 15.5°C (en fin de compte on aura nagé dans une eau à 12.3°C). Par
contre on perdit René en route car il ne pouvait pas se libérer de son travail pour
la période de la traversée et on s’est finalement retrouvé à 5 dans
l’équipe : Jacques, Hugues, Sergio, FX et moi. On n’est pas arrivé à se
revoir pour nager ensemble une seconde fois et chacun s’est donc entraîné de
son côté.
Par la suite, Hugues nous a proposé de profiter de notre challenge
pour promouvoir la CSC, « Connaître les syndromes cérébelleux », une
association de malades et familles de malades atteints d’une maladie touchant
le cervelet, et ceci pour deux raisons : FX voulait faire la traversée en
mémoire de son petit frère décédé d’un paragangliome (une maladie génétique
rare), et Hugues souhaitait également la faire pour le petit frère de sa meilleure
amie atteint d’une maladie cérébelleuse génétique rare, d’où le choix de CSC. C’est
également pour cela qu’on a baptisé notre équipe « Petit Frère ». Après
être entré en contact avec eux, on a créé une page de collecte sur Alvarum, et
l’association nous a sponsorisé en bonnets de natation et t-shirts et les
représentants se sont énormément investis et mobilisés pour l’évènement. Un
grand merci à eux ainsi qu’à tous les donateurs !
Voilà à peu près les grandes lignes de notre histoire. Sandrine est
également de la partie car elle va nous accompagner sur le bateau. On a tout
prévu niveau matos de réanimation car une fois en pleine mer, s’il arrive un
accident à l’un d’entre nous, on peut toujours attendre avant d’avoir des
secours… et au vu des 2 décès de nageurs pendant leur traversée dans les années
précédentes (bien que c’étaient des nageurs solo, donc pas vraiment comparable
à un relai) on a préféré assurer.
Sinon ma préparation aura été plus que chaotique, comme toujours…
Sur les conseils de Jacques, on avait tous commencé à prendre des douches
froides et à ne pas trop se couvrir en hiver. J’avais envisagé des
entraînements dans le lac Léman avec Sergio pour se motiver mutuellement, mais
au final rien du tout, surtout par manque de temps, parce que je devais aussi
rouler et marcher (car j’avais Roth en juillet) et aussi à cause des douleurs à
l’épaule puis à cause de l’opération (oui, je sais… les excuses à 2 balles). Le
test des 2h à Palavas aura été ma sortie la plus longue et la seule en eau
froide. Pour une traversée en solo ça aurait été juste impossible, c’est
catégorique, mais pour un relai avec une estimation du temps de nage entre 3 à
5 heures, ça peut le faire.
Samedi 30 août
RDV à 8h du matin à l’aéroport avec Sandrine et Sergio :
embarquement sur un vol Easyjet pour Londres Gatwick puis le reste du voyage se
fera en train jusqu’à Folkestone (via London Saint-Pancras) et par bus jusqu’au
camping de Varne Ridge, situé entre Folkestone et Dover, juste au bord de la
falaise avec une vue incroyable sur la Manche et les côtes françaises au loin.
Mais surtout, c’est LA mecque des nageurs du monde entier, l’endroit où beaucoup viennent se loger lorsqu’ils font la traversée. D’ailleurs le camping a été rebaptisé « Channel Swimming Holiday Park » et les propriétaires, David et Evelyn, sont toujours aux petits soins pour les nageurs en les dépannant avec des affaires ou en les aidant pour quoi que ce soit.
Ils ont une petite pièce comme la caverne d’Ali Baba, remplie d’affaires que d’anciens nageurs ont laissé pour les suivants : linges, habits chauds, bottes, thermos etc, ce qui nous a bien aidé car du coup on a pu emprunter des bottes hautes et des vestes ainsi que plusieurs autres affaires « au cas où ».
Bref, on ne pouvait juste pas rater ça ! En plus l’ambiance mobile home avec toute l’équipe serait une super expérience.
Mais surtout, c’est LA mecque des nageurs du monde entier, l’endroit où beaucoup viennent se loger lorsqu’ils font la traversée. D’ailleurs le camping a été rebaptisé « Channel Swimming Holiday Park » et les propriétaires, David et Evelyn, sont toujours aux petits soins pour les nageurs en les dépannant avec des affaires ou en les aidant pour quoi que ce soit.
Ils ont une petite pièce comme la caverne d’Ali Baba, remplie d’affaires que d’anciens nageurs ont laissé pour les suivants : linges, habits chauds, bottes, thermos etc, ce qui nous a bien aidé car du coup on a pu emprunter des bottes hautes et des vestes ainsi que plusieurs autres affaires « au cas où ».
Bref, on ne pouvait juste pas rater ça ! En plus l’ambiance mobile home avec toute l’équipe serait une super expérience.
On arrive en début d’après-midi et on s’installe dans notre mobile
home. Ce n’est pas très grand mais largement suffisant pour 6 personnes avec 3
chambres et bien équipé. Deux heures plus tard Hugues arrive en voiture avec
FX, qu’il a récupéré à la gare de Calais.
On téléphone à notre pilote pour lui dire qu’on est bien arrivé, et il nous propose de passer le lendemain au port pour le rencontrer. Tout le monde est fatigué par le voyage, donc on ne tarde pas pour dîner et se coucher tôt. Je suis complètement claquée et j’ai les tibias et les muscles tibial antérieur en feu malgré les patchs de Flector collés dessus en permanence…
On téléphone à notre pilote pour lui dire qu’on est bien arrivé, et il nous propose de passer le lendemain au port pour le rencontrer. Tout le monde est fatigué par le voyage, donc on ne tarde pas pour dîner et se coucher tôt. Je suis complètement claquée et j’ai les tibias et les muscles tibial antérieur en feu malgré les patchs de Flector collés dessus en permanence…
Dimanche 31 août
Lever tranquille, je me les suis caillé pendant la nuit, heureusement
qu’on avait des gros duvets. Après le petit-déj on en a profité pour aller à
Hythe, à l’ouest de Folkestone, car les autres souhaitaient nager un peu en mer
pour tester l’eau. Vu qu’il y avait la possibilité que le départ de notre
traversée se fasse dans la nuit même, j’ai préféré rester au sec et économiser
mon épaule.
Apparemment l’eau était super bonne et pas froide, environ à 17°C avec un soleil magnifique et très peu de vagues...
Plutôt rassurant, mais les conditions météo peuvent virer du tout au tout en un rien de temps et il est donc impossible de savoir à quoi s’en tenir pour les heures à venir même si on peut avoir une petite idée de la tendance. Petit passage au supermarché pour acheter de quoi se ravitailler sur le bateau et quelques bricoles de dernières minutes et l’on rentre pour déjeuner.
Apparemment l’eau était super bonne et pas froide, environ à 17°C avec un soleil magnifique et très peu de vagues...
Plutôt rassurant, mais les conditions météo peuvent virer du tout au tout en un rien de temps et il est donc impossible de savoir à quoi s’en tenir pour les heures à venir même si on peut avoir une petite idée de la tendance. Petit passage au supermarché pour acheter de quoi se ravitailler sur le bateau et quelques bricoles de dernières minutes et l’on rentre pour déjeuner.
Pimpin Powaaa |
Entre-temps deux journalistes en freelance, Emmanuelle et Nils,
sont arrivés au camping : ils font un reportage sur les différents moyens
de traverser la Manche pour France 3 Bretagne et ils avaient pris contact avec
Jacques pour nous suivre sur le bateau.
On se rend tous ensemble au port de
Folkestone à 14h30 pour voir notre pilote Peter Reed, très sympathique et
qui nous annonce d’emblée que la traversée se ferait cette nuit-même…
RDV à minuit
trente au port, pour un départ environ une heure plus tard ! Bref, d’un
coup la tension monte d’un cran, tout le monde est excité et personne n’arrive
à dormir même s’il le faut ; en plus il ne nous reste que très peu de
temps pour préparer toutes nos affaires.
Et surtout, Jacques n’arrivera qu’à 20h30 ce soir, il vient directement d’Irlande où il a passé les 3 derniers jours à Sandycove (une autre mecque de la nage en eau libre) pour nager plusieurs courses avec ses amis, et lui non plus n’aura pas eu le temps de se poser. Hugues part le chercher en voiture tandis que j’essaie de me reposer en écoutant de la musique, à défaut de pouvoir dormir.
Notre bateau : le Rowena FE75 |
Et surtout, Jacques n’arrivera qu’à 20h30 ce soir, il vient directement d’Irlande où il a passé les 3 derniers jours à Sandycove (une autre mecque de la nage en eau libre) pour nager plusieurs courses avec ses amis, et lui non plus n’aura pas eu le temps de se poser. Hugues part le chercher en voiture tandis que j’essaie de me reposer en écoutant de la musique, à défaut de pouvoir dormir.
A l’arrivée de Jacques on se met tous à table et on discute un peu
de la stratégie de course et des derniers points pour la traversée.
On aura également parlé en long, en large et en travers des requins (non, il n’y en a jamais eu… oui c’est cela, mais il y a toujours un début à tout !!!), ma pire hantise pour cette traversée surtout que je vais devoir nager mon 1er tour de nuit. C’est une peur irrationnelle mais c’est comme ça, et le fait d’avoir vu et revu tous les épisodes des dents de la mer quand j’étais gamine n’arrange certainement pas les choses !
Donc, avec la musique bien
flippante du film dans la tête, j’écoute Jacques qui m’explique comment il faut
se comporter si on est tout d’un coup face à un requin : se mettre droit
dans l’eau et repousser son « nez » de la main… oui oui, bien sûr… mais
ça c’est avant ou après que le grand blanc t’ai déchiqueté le bras avec
ses 200 dents acérées? Pffff, mais quelle horreur !!!!!! Dire que je vais
peut être crever cette nuit en me faisant bouffer par un requin !!!
Pourtant, ça n’a pas l’air de tellement inquiéter les 4 autres… Qu’est-ce que
je fous là ?!?
On aura également parlé en long, en large et en travers des requins (non, il n’y en a jamais eu… oui c’est cela, mais il y a toujours un début à tout !!!), ma pire hantise pour cette traversée surtout que je vais devoir nager mon 1er tour de nuit. C’est une peur irrationnelle mais c’est comme ça, et le fait d’avoir vu et revu tous les épisodes des dents de la mer quand j’étais gamine n’arrange certainement pas les choses !
Même en photo tout petit, il fout les boules... |
On termine les derniers préparatifs, chacun s’est occupé de son
propre matériel et de son ravitaillement personnel, mais on a également une caisse
en commun pour l’eau et les sandwichs.
Il est 23h50 : toutes les affaires sont chargées dans la
voiture, il fait nuit noire et on se les pèle… Du camping on arrive à distinguer au loin les côtes
françaises avec les lumières, mais c’est très très lointain, et moyennement
rassurant quand Jacques nous dit « vous voyez les lumières en face? ben c'est là qu'il faut aller ! »...
Rrhhaaaaaa, mais elle est où la suite ??? Moi je suis déjà dans l'eau, je suis à fond, j'ai l'impression d'y être ... j'en ai des frissons !!
RépondreSupprimerMais quel challenge de fou sinon, j'imagine bien l'excitation, le stress et la joie (ou pas) du départ. Allez, on ne joue pas avec les nerfs de ses lecteurs, envoies la suite !!!!
Stéphane ;-)
LOL la suite et fin (part 2-3-4) sont déjà publiés depuis 1 semaine mdr :-)))
Supprimerles ronds de cotons de la CCC t'ont laissé des traces :-)
Rhaaa mais quel boulet je fais ^.^ Bon, en même temps c'est Google qui me dit qu'ici c'est ton dernier article publié donc ... me réjouis de lire la suite (au moins je n'aurai pas trop attendu)
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