vendredi 8 août 2014

Challenge Copenhague 2010



Ecrit le samedi 8 janvier 2011




« il faut ce qu’il faut »… telle a été ma devise pendant tout les mois de juillet et d’août à partir du moment où coach Nico m’a remis le plan d’entraînement pour un « éventuel ironman aux environs du 15 août » ; j’avais laissé sous-entendre que j’aurais éventuellement souhaité en faire un mais sans plus de précision, et lui avait demandé conseil sur la préparation. En effet, après avoir terminé Rapperswil et Cublize en juin j’étais désormais 100% convaincue de préférer les moyennes et longues distances et m’étais inscrite le dernier jour limite au Challenge Copenhague ; donc préparation pour cet objectif en secret, surtout par peur de me ridiculiser si je ne le terminais pas… très très peu de monde au courant jusqu’à une semaine avant la course où il a bien fallu que je l’annonce !



Côté planning, que j’ai suivi à la lettre, les ballades en vélo de 4h et les sorties càp de 2h sont devenues (presque) de la routine tandis que la natation a été limitée à un seul entraînement de 4-5km par semaine car ce n’est pas sur cette discipline qu’il y aurait un grand bénéfice à m’entraîner plus, tout au mieux gagner une ou deux minutes ce qui est négligeable sur une telle distance. J’arrive donc au bout des sept semaines de prépa avec pas mal (tout est relatif) de volume accumulé et plutôt en confiance… confiance qui disparaîtra quelques jours avant la course !




Vendredi 13 août

Départ en avion pour le Danemark après une nuit de garde. Devant la porte d’embarquement je suis fatiguée, anxieuse, contente, excitée… bref, traversée par tout plein de sentiments. Easyjet annonce du retard et je commence à stresser de ne pas arriver à temps sur place pour retirer mon dossard. Finalement c’est avec 2h de retard que j’atterris à Copenhague. Il me faut à peine 5min en voiture pour arriver au Bed & Breakfast où j’avais réservé une chambre, idéalement situé à proximité du départ de la course et je file au parc-à-vélo à Amager Strandpark où je retrouve Stephane du TriSalève et sa famille. Petite reconnaissance de T1, retrait des dossards à l’autre bout de la ville, visite des stands expo, pasta party encore à un autre endroit ; j’enchaîne tout cela comme un robot avant de rentrer me coucher ; ça fait plus de 36h que je suis debout et je suis complètement naze, mes pieds sont endoloris à force d’avoir sillonné la ville dans tous les sens.




Samedi 14 août

La matinée est consacrée à la préparation des sacs de transition : j’étale tout par terre et essaye de faire le tri mais au vu de la météo mitigée, ciel gris nuageux et menace de pluie, je finis par mettre toutes mes affaires dans les sacs qui doivent bien peser une tonne à la fin, vu que je ne suis toujours indécise quand à rester en trifonction ou me changer à T1 et T2. J’ai la chance de faire le check-in du vélo en début d’aprèm car dans la demie heure qui suit, un vrai déluge s’abat sur la ville jusque tard dans la nuit. Je ne sors plus de ma chambre tellement je suis stressée, j’essaye de passer le temps en lisant et en surfant sur internet. J’ai l’impression que tout cela est irréel, genre que je suis dans un rêve ou plutôt un cauchemar. Les barres, gatosports et autres nourriture sucrée commencent à me dégoûter et je me prends à rêver d’un bon plat salé, n’importe quoi fera l’affaire du moment que c’est salé, mais je n’ai pas le courage ni l’envie de sortir donc je fais sans. Comme avant chaque course, les éternelles questions reviennent : pourquoi je me suis inscrite ? Qu’est-ce que je fais là ? Et dire que je pourrais être tranquillement chez moi… Je me couche très tôt vers 19h car j’anticipe déjà les quelques heures que je vais mettre pour m’endormir mais étrangement le sommeil viendra assez vite et la nuit sera plutôt calme.





Dimanche 15 août

Finalement… le jour-J !!! Petit-déj en solitaire dans la chambre, il fait sombre et froid, j’ai juste une seule envie : retourner me coucher. Une fois arrivée à T1 je me rends compte que j’ai oublié ma combi à l’hôtel et cours pour aller la chercher, heureusement que c’est tout près mais c’est un stress inutile de plus. Il fait gris maintenant, le sol est détrempé par la pluie de la veille ; je prépare mon matériel sur le vélo et vérifie que les pneus soient bien gonflés, tout à l’air ok, j’ai l’impression de n’avoir rien oublié d’autre. Le stress monte de plus en plus, il reste encore une demi-heure d’attente mais la combi est déjà zippée jusqu’en haut, le bonnet et les lunettes déjà sur la tête. J’essaye de voir si Stephane est là mais j’en doute car sa vague ne part qu’une heure après la mienne, il a encore du temps.



3.8km de natation

7h départ des pros, pas de bol car il recommence à pleuvoir ; ça me démoralise de devoir rouler sous la pluie mais j’essaie de ne pas y penser et de me concentrer sur la natation. 7h05 départ des féminines, ça y est le grand moment est enfin arrivé et c’est parti pour une très très longue journée ! Natation à mon rythme en essayant d’économiser un max les jambes, déjà les meilleurs de la  vague suivante me rattrappent mais tant pis ! L’eau est sombre et salée, on ne voit pas le fond, je me prends des algues et quelques vagues pas trop méchantes.  Sortie au bout de 1h07 puis comme il flotte toujours je décide de rester en trifonction vu que de toute manière j’allais être trempée. Je récupère mon sac bike et file sous la minuscule tente de changement où je mets un temps fou à enlever la combi et me sécher… mais à quoi bon ? J’en profite pour boire un peu d’eau de la bouteille préparée exprès et d’avaler un pitch avant de fourrer toutes mes affaires de natation dans le sac, et pendant une fraction de seconde je me surprends à penser au moment où je récupèrerai ce sac dans une dizaine d’heures avec son contenu tout mouillé qui n’aura pas le temps de sécher avant de reprendre l’avion.



180km de vélo

C’est parti pour le vélo, un parcours de deux boucles quasi plat avec environ 550mD+. Petit cadeau : la pluie s’arrête au bout d’1h et ensuite on aura un temps idéal, sec et pas trop chaud pour le reste de la journée. Par contre dès les premiers km je vois des triathlètes arrêtés sur le bas côté entrain de réparer des crevaisons. Après en avoir dépassé une dizaine je commence à m’inquiéter et me dis que ce n’est pas normal… car sur mes deux premiers tris je n’avais vu personne crever! En effet on aura la confirmation par la suite que ça aura été une véritable hécatombe de crevaisons, j’en ai vu au moins une cinquantaine et il devait y en avoir bien plus ! Selon l’organisation, ce serait dû aux pluies diluviennes des jours précédents qui auraient fait ressortir des petits cailloux tranchants. Tous ceux que je connaissais ont crevé, certains même deux fois ! Bien sûr, mon tour arrive juste après le km60… heureusement qu’il y avait un bénévole ange gardien qui m’a aidé à réparer car tout mon matériel était HS ; sans lui j’aurais sûrement abandonné la course. Les 120 derniers km sont un vrai calvaire, je roule au ralenti avec le pneu avant à moitié gonflé, crispée à mort avec la peur au ventre d’une nouvelle crevaison, guettant le moindre bout de bois, le moindre caillou et la moindre feuille morte sur la route pour les éviter jusqu’à en devenir parano… Des sales crampes me prennent à l’estomac et je dois vraiment me forcer pour m’hydrater et m’alimenter correctement (un des nombreux conseils de Yan pour ne pas être sec sur la càp) car rien ne passe… Moment de réconfort vers le km80 quand je vois un gars qui me dépasse ; jusque là rien d’étonnant vu ma vitesse de tortue ; il se retourne et je reconnais alors son numéro de dossard ainsi que sa trifonction… c’est Christophe, un genevois dont j’ai fait la connaissance par internet peu avant de venir à Copenhague ; on discute quelques secondes, je lui dit que j’ai crevé et il me dit que lui aussi, on se souhaite merde pour la suite ; ça remonte le moral de croiser des potes, surtout sur une course qui se passe aussi loin de chez soi… il reprend son allure de bolide et moi de tortue, la peur au ventre revient. Sur la 2è boucle quasi au même endroit au km 150 environ je le croise de nouveau, il doit malheureusement arrêter à cause d’une deuxième crevaison, vraiment pas de chance surtout qu’il avait fait une très belle course jusque là… L’anxiété monte de plus en plus à l’idée que ça puisse aussi m’arriver, je veux seulement terminer ce fichu vélo… quel soulagement d’arriver enfin à T2 après 6h47!



42.2km de càp

Nouvelle transition de limace où je prends tout de même le temps d’effectuer les gestes répétés mentalement des dizaines de fois, histoire de ne rien oublier : boire un peu d’eau, croquer un pitch, prendre un Dafalgan (juste au cas où), me tartiner les jambes de Sportusal, prendre le ipod… et c’est parti pour la càp. Là je me lance dans l’inconnu, n’ayant jamais fait de marathon auparavant. Mes sorties les plus longues se sont limitées à 3h et je pensais au moins mettre le double pour boucler le parcours. J’essaye de ne pas partir trop vite au risque d’exploser au bout de quelques km, ou plutôt non je n’essaie même pas, de toute manière je n’aurais pas pu aller plus vite même si je l’avais voulu. Le parcours est composé de trois boucles de 14km, un bon compromis ; il comporte pas mal de parties ombragées et beaucoup de spectateurs sont venus encourager. Je cite Stephane : « AAAAH... le marathon... et ben il était beau le marathon, au cœur de la ville dans Newhavn et ces belles maisons colorées, devant le château royal, le parlement, des bateaux somptueux, des navires de guerres à quai, des fontaines grandioses, des longues lignes droites » … ah bon ?!? Apparemment je ne devais plus être aussi lucide que ça, ou alors j’avais plein de buée sur les lunettes de soleil car perso je me souviens surtout… des lignes droites. D’ailleurs le manque de lucidité va se confirmer, au moment où je me casse la tronche sur la 2è boucle devant trois gars sur du béton tout plat (bizarre, j’étais sûre d’avoir vu une racine d’arbre…) ouh la honte. Je me relève, même pas mal… Puis exactement au moment où je repasse au même endroit à la boucle d’après, je vois un des trois gars arriver en face et je me dis « tiens, c’est marrant, c’est là où je me suis pêté la g… » et bam, nouvelle viandée (et toujours pas retrouvé cette satanée racine) !!! ouhhh trop la honte, le mec a dû se demander ce que je prenais aux ravitos ! Sinon pendant les trois boucles c’est toujours le même rituel : courir entre les ravitos où je marche le temps d’avaler dans l’ordre une gorgée d’eau – un quartier d’orange – un morceau de barre énergétique – une nouvelle gorgée d’eau avant de repartir. Grâce à ça j’avais mes repères et n’ai pas eu de moment de défaillance ni été confrontée au fameux mur des 30km tant redouté. Heureusement que la musique était permise sur la càp, j’ai écouté 2 chansons en boucle pendant les 4h43 du marathon : En apesanteur de Calogero et Lose yourself d’Eminem et ça m’a bien boosté. Dire que je m’étais préparé toute une compil de chansons pour tenir six heures…


Dernier km, j’ai un regain d’énergie qui me permet même d’accélérer l’allure et de dépasser quelques personnes ; je reconnais la fin du parcours et au lieu de faire le demi-tour à gauche je peux enfin continuer tout droit en direction de la finish line: tapis vert, sono à fond, spectateurs en masse et speaker déchaîné nous accompagnent sur les derniers mètres… quel bonheur de franchir la ligne !!! Au total 12h50 d’effort, un temps auquel je n’aurais jamais pensé même en rêve. Le parcours plat du vélo y est pour beaucoup à mon avis.

  
Après la course

La médaille me lacère le cou en plein sur les irritations causées par la trifonction, j’ai des cloques aux pieds et la peau de la cheville gauche complètement décapée par la puce… je récupère mes sacs et file sous une douche bien chaude qui brûle tous les endroits où j’ai la peau à vif (note pour le prochain tri : prendre de la crème anti-frottements). Petit coup d’œil sur le ravito où il ne reste plus que quelques bouts de banane et des morceaux de pains… alors je me contente de coca… ahhhhh un bonheur ! Je vais me poser juste avant la ligne d’arrivée pour voir Stephane terminer à son tour un grand sourire aux lèvres. On ne s’éternise pas, on part récupérer nos vélos au parc… quasi aucun contrôle, j’aurai facilement pu partir avec ce beau Cervélo… puis on rejoint sa famille qui a joué les supporters tout au long de cette journée pour aller boire un petit verre en terrasse histoire de fêter ça.


Le retour au B&B est laborieux, j’ai les neurones déconnectés et commence par me tromper de direction en prenant le métro pour ensuite tourner en rond un bon moment avant de retrouver la bonne rue. Je suis épuisée et laisse mes affaires telles quelles… on verra tout ça demain, maintenant je voudrais juste… dormir…

Souvenir inoubliable d’une magnifique journée qui avait plutôt mal commencé sous la pluie. Un grand moment de solitude et de doute lors la crevaison, où je me suis dit que ce n’était pas possible que tout s’écroule comme ça sur un « simple » problème mécanique… Le temps de repenser à plein de choses pendant la course à pied : à mes deux coachs, aux potes, à la famille, aux entraînements pour en arriver là (courir à 3h du mat dans le garage en plein hiver…). Et finalement la joie de pouvoir se dire qu’enfin ça y est « I’m an ironman ! »



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