Ecrit le samedi 8 janvier 2011
« il faut ce qu’il
faut »… telle a été ma devise pendant tout les mois de juillet et d’août à
partir du moment où coach Nico m’a remis le plan d’entraînement pour un
« éventuel ironman aux environs du 15 août » ; j’avais laissé sous-entendre
que j’aurais éventuellement souhaité en faire un mais sans plus de précision,
et lui avait demandé conseil sur la préparation. En effet, après avoir terminé
Rapperswil et Cublize en juin j’étais désormais 100% convaincue de préférer les
moyennes et longues distances et m’étais inscrite le dernier jour limite au
Challenge Copenhague ; donc préparation pour cet objectif en secret,
surtout par peur de me ridiculiser si je ne le terminais pas… très très peu de
monde au courant jusqu’à une semaine avant la course où il a bien fallu que je
l’annonce !
Côté planning, que j’ai suivi
à la lettre, les ballades en vélo de 4h et les sorties càp de 2h sont devenues
(presque) de la routine tandis que la natation a été limitée à un seul
entraînement de 4-5km par semaine car ce n’est pas sur cette discipline qu’il y
aurait un grand bénéfice à m’entraîner plus, tout au mieux gagner une ou deux
minutes ce qui est négligeable sur une telle distance. J’arrive donc au bout
des sept semaines de prépa avec pas mal (tout est relatif) de volume accumulé
et plutôt en confiance… confiance qui disparaîtra quelques jours avant la
course !
Vendredi 13 août
Départ en avion pour le
Danemark après une nuit de garde. Devant la porte d’embarquement je suis
fatiguée, anxieuse, contente, excitée… bref, traversée par tout plein de
sentiments. Easyjet annonce du retard et je commence à stresser de ne pas
arriver à temps sur place pour retirer mon dossard. Finalement c’est avec 2h de
retard que j’atterris à Copenhague. Il me faut à peine 5min en voiture pour
arriver au Bed & Breakfast où j’avais réservé une chambre, idéalement situé
à proximité du départ de la course et je file au parc-à-vélo à Amager Strandpark où je retrouve Stephane du
TriSalève et sa famille. Petite reconnaissance de T1, retrait des dossards à
l’autre bout de la ville, visite des stands expo, pasta party encore à un autre
endroit ; j’enchaîne tout cela comme un robot avant de rentrer me
coucher ; ça fait plus de 36h que je suis debout et je suis
complètement naze, mes pieds sont endoloris à force d’avoir sillonné la ville
dans tous les sens.
Samedi 14 août
La matinée est consacrée à la
préparation des sacs de transition : j’étale tout par terre et essaye de
faire le tri mais au vu de la météo mitigée, ciel gris nuageux et menace de
pluie, je finis par mettre toutes mes affaires dans les sacs qui doivent bien
peser une tonne à la fin, vu que je ne suis toujours indécise quand à rester en
trifonction ou me changer à T1 et T2. J’ai la chance de faire le check-in du
vélo en début d’aprèm car dans la demie heure qui suit, un vrai déluge s’abat
sur la ville jusque tard dans la nuit. Je ne sors plus de ma chambre tellement
je suis stressée, j’essaye de passer le temps en lisant et en surfant sur
internet. J’ai l’impression que tout cela est irréel, genre que je suis dans un
rêve ou plutôt un cauchemar. Les barres, gatosports et autres nourriture sucrée
commencent à me dégoûter et je me prends à rêver d’un bon plat salé, n’importe
quoi fera l’affaire du moment que c’est salé, mais je n’ai pas le courage ni
l’envie de sortir donc je fais sans. Comme avant chaque course, les éternelles
questions reviennent : pourquoi je me suis inscrite ? Qu’est-ce que
je fais là ? Et dire que je pourrais être tranquillement chez moi… Je me
couche très tôt vers 19h car j’anticipe déjà les quelques heures que je vais
mettre pour m’endormir mais étrangement le sommeil viendra assez vite et la
nuit sera plutôt calme.
Dimanche 15 août
Finalement… le
jour-J !!! Petit-déj en solitaire dans la chambre, il fait sombre et
froid, j’ai juste une seule envie : retourner me coucher. Une fois arrivée
à T1 je me rends compte que j’ai oublié ma combi à l’hôtel et cours pour aller
la chercher, heureusement que c’est tout près mais c’est un stress inutile de
plus. Il fait gris maintenant, le sol est détrempé par la pluie de la
veille ; je prépare mon matériel sur le vélo et vérifie que les pneus
soient bien gonflés, tout à l’air ok, j’ai l’impression de n’avoir rien oublié
d’autre. Le stress monte de plus en plus, il reste encore une demi-heure
d’attente mais la combi est déjà zippée jusqu’en haut, le bonnet et les
lunettes déjà sur la tête. J’essaye de voir si Stephane est là mais j’en doute
car sa vague ne part qu’une heure après la mienne, il a encore du temps.
3.8km de natation
7h départ des pros, pas de
bol car il recommence à pleuvoir ; ça me démoralise de devoir rouler sous
la pluie mais j’essaie de ne pas y penser et de me concentrer sur la natation.
7h05 départ des féminines, ça y est le grand moment est enfin arrivé et c’est
parti pour une très très longue journée ! Natation à mon rythme en
essayant d’économiser un max les jambes, déjà les meilleurs de la vague suivante me rattrappent mais tant
pis ! L’eau est sombre et salée, on ne voit pas le fond, je me prends des
algues et quelques vagues pas trop méchantes.
Sortie au bout de 1h07 puis comme il flotte toujours je décide de rester
en trifonction vu que de toute manière j’allais être trempée. Je récupère mon
sac bike et file sous la minuscule tente de changement où je mets un temps fou
à enlever la combi et me sécher… mais à quoi bon ? J’en profite pour boire
un peu d’eau de la bouteille préparée exprès et d’avaler un pitch avant de
fourrer toutes mes affaires de natation dans le sac, et pendant une fraction de
seconde je me surprends à penser au moment où je récupèrerai ce sac dans une
dizaine d’heures avec son contenu tout mouillé qui n’aura pas le temps de
sécher avant de reprendre l’avion.
180km de vélo
C’est parti pour le vélo, un
parcours de deux boucles quasi plat avec environ 550mD+. Petit cadeau : la
pluie s’arrête au bout d’1h et ensuite on aura un temps idéal, sec et pas trop
chaud pour le reste de la journée. Par contre dès les premiers km je vois des
triathlètes arrêtés sur le bas côté entrain de réparer des crevaisons. Après en
avoir dépassé une dizaine je commence à m’inquiéter et me dis que ce n’est pas
normal… car sur mes deux premiers tris je n’avais vu personne crever! En effet
on aura la confirmation par la suite que ça aura été une véritable hécatombe de
crevaisons, j’en ai vu au moins une cinquantaine et il devait y en avoir bien
plus ! Selon l’organisation, ce serait dû aux pluies diluviennes des jours
précédents qui auraient fait ressortir des petits cailloux tranchants. Tous
ceux que je connaissais ont crevé, certains même deux fois ! Bien sûr, mon
tour arrive juste après le km60… heureusement qu’il y avait un bénévole ange
gardien qui m’a aidé à réparer car tout mon matériel était HS ; sans lui
j’aurais sûrement abandonné la course. Les 120 derniers km sont un vrai
calvaire, je roule au ralenti avec le pneu avant à moitié gonflé, crispée à
mort avec la peur au ventre d’une nouvelle crevaison, guettant le moindre bout
de bois, le moindre caillou et la moindre feuille morte sur la route pour les
éviter jusqu’à en devenir parano… Des sales crampes me prennent à l’estomac et
je dois vraiment me forcer pour m’hydrater et m’alimenter correctement (un des
nombreux conseils de Yan pour ne pas être sec sur la càp) car rien ne passe…
Moment de réconfort vers le km80 quand je vois un gars qui me dépasse ; jusque
là rien d’étonnant vu ma vitesse de tortue ; il se retourne et je
reconnais alors son numéro de dossard ainsi que sa trifonction… c’est
Christophe, un genevois dont j’ai fait la connaissance par internet peu avant
de venir à Copenhague ; on discute quelques secondes, je lui dit que j’ai
crevé et il me dit que lui aussi, on se souhaite merde pour la suite ; ça
remonte le moral de croiser des potes, surtout sur une course qui se passe
aussi loin de chez soi… il reprend son allure de bolide et moi de tortue, la
peur au ventre revient. Sur la 2è boucle quasi au même endroit au km 150
environ je le croise de nouveau, il doit malheureusement arrêter à cause d’une deuxième
crevaison, vraiment pas de chance surtout qu’il avait fait une très belle
course jusque là… L’anxiété monte de plus en plus à l’idée que ça puisse aussi
m’arriver, je veux seulement terminer ce fichu vélo… quel soulagement d’arriver
enfin à T2 après 6h47!
42.2km de càp
Nouvelle transition de limace
où je prends tout de même le temps d’effectuer les gestes répétés mentalement
des dizaines de fois, histoire de ne rien oublier : boire un peu d’eau,
croquer un pitch, prendre un Dafalgan (juste au cas où), me tartiner les jambes
de Sportusal, prendre le ipod… et c’est parti pour la càp. Là je me lance dans
l’inconnu, n’ayant jamais fait de marathon auparavant. Mes sorties les plus
longues se sont limitées à 3h et je pensais au moins mettre le double pour
boucler le parcours. J’essaye de ne pas partir trop vite au risque d’exploser
au bout de quelques km, ou plutôt non je n’essaie même pas, de toute manière je
n’aurais pas pu aller plus vite même si je l’avais voulu. Le parcours est
composé de trois boucles de 14km, un bon compromis ; il comporte pas mal
de parties ombragées et beaucoup de spectateurs sont venus encourager. Je cite
Stephane : « AAAAH... le
marathon... et ben il était beau le marathon, au cœur de la ville dans Newhavn
et ces belles maisons colorées, devant le château royal, le parlement, des
bateaux somptueux, des navires de guerres à quai, des fontaines grandioses, des
longues lignes droites » … ah bon ?!? Apparemment je ne devais plus
être aussi lucide que ça, ou alors j’avais plein de buée sur les lunettes de
soleil car perso je me souviens surtout… des lignes droites. D’ailleurs le
manque de lucidité va se confirmer, au moment où je me casse la tronche sur la
2è boucle devant trois gars sur du béton tout plat (bizarre, j’étais sûre
d’avoir vu une racine d’arbre…) ouh la honte. Je me relève, même pas mal… Puis
exactement au moment où je repasse au même endroit à la boucle d’après, je vois
un des trois gars arriver en face et je me dis « tiens, c’est marrant,
c’est là où je me suis pêté la g… » et bam, nouvelle viandée (et toujours
pas retrouvé cette satanée racine) !!! ouhhh trop la honte, le mec a dû se
demander ce que je prenais aux ravitos ! Sinon pendant les trois boucles
c’est toujours le même rituel : courir entre les ravitos où je marche le
temps d’avaler dans l’ordre une gorgée d’eau – un quartier d’orange – un
morceau de barre énergétique – une nouvelle gorgée d’eau avant de repartir.
Grâce à ça j’avais mes repères et n’ai pas eu de moment de défaillance ni été
confrontée au fameux mur des 30km tant redouté. Heureusement que la
musique était permise sur la càp, j’ai écouté 2 chansons en boucle pendant les
4h43 du marathon : En apesanteur de Calogero et Lose yourself d’Eminem et
ça m’a bien boosté. Dire que je m’étais préparé toute une compil de chansons
pour tenir six heures…
Dernier km, j’ai un regain
d’énergie qui me permet même d’accélérer l’allure et de dépasser quelques
personnes ; je reconnais la fin du parcours et au lieu de faire le
demi-tour à gauche je peux enfin continuer tout droit en direction de la finish
line: tapis vert, sono à fond, spectateurs en masse et speaker déchaîné nous
accompagnent sur les derniers mètres… quel bonheur de franchir la
ligne !!! Au total 12h50 d’effort, un temps auquel je n’aurais jamais
pensé même en rêve. Le parcours plat du vélo y est pour beaucoup à mon avis.
Après la course
La médaille me lacère le cou
en plein sur les irritations causées par la trifonction, j’ai des cloques aux
pieds et la peau de la cheville gauche complètement décapée par la puce… je
récupère mes sacs et file sous une douche bien chaude qui brûle tous les
endroits où j’ai la peau à vif (note pour le prochain tri : prendre de la
crème anti-frottements). Petit coup d’œil sur le ravito où il ne reste plus que
quelques bouts de banane et des morceaux de pains… alors je me contente de
coca… ahhhhh un bonheur ! Je vais me poser juste avant la ligne d’arrivée
pour voir Stephane terminer à son tour un grand sourire aux lèvres. On ne
s’éternise pas, on part récupérer nos vélos au parc… quasi aucun contrôle,
j’aurai facilement pu partir avec ce beau Cervélo… puis on rejoint sa famille qui
a joué les supporters tout au long de cette journée pour aller boire un petit
verre en terrasse histoire de fêter ça.
Le retour au B&B est
laborieux, j’ai les neurones déconnectés et commence par me tromper de
direction en prenant le métro pour ensuite tourner en rond un bon moment avant
de retrouver la bonne rue. Je suis épuisée et laisse mes affaires telles
quelles… on verra tout ça demain, maintenant je voudrais juste… dormir…
Souvenir inoubliable d’une magnifique
journée qui avait plutôt mal commencé sous la pluie. Un grand moment de
solitude et de doute lors la crevaison, où je me suis dit que ce n’était pas
possible que tout s’écroule comme ça sur un « simple » problème
mécanique… Le temps de repenser à plein de choses pendant la course à
pied : à mes deux coachs, aux potes, à la famille, aux entraînements pour
en arriver là (courir à 3h du mat dans le garage en plein hiver…). Et finalement la joie de pouvoir se dire
qu’enfin ça y est « I’m an ironman ! »
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