dimanche 10 août 2014

Fasciotomie bilatérale




De l’autre côté du champ …

NFS, chimie, iono !!!

Voilà, le jour de l’opération est enfin arrivé… et j’appréhende un peu, n’ayant jamais du me faire opérer ni anesthésier à part une fois dans ma petite enfance, ça date ! Et pourtant c’est mon quotidien, mon boulot que j’ai fait des milliers de fois, mais quand ça nous arrive à nous-mêmes c’est différent. Bien sûr je sais exactement comment va se dérouler l’avant et l’après, mais c’est le « pendant », quand je serai endormie, quand je n’ai plus le contrôle, que je redoute un peu !


Jeudi 7 août

6h30 du matin : je me présente dans le service de chirurgie ambulatoire, où une infirmière m’accueille et m’installe dans une chambre. Le temps que j’enfile une de ces magnifiques blouses de patient (tellement esthétique avec la lune à l’air même si on la boutonne dans le dos) et je vois Jalelle entrer dans la chambre : j’en étais sûre !!! C’est le premier infirmier avec qui j’avais travaillé quand j’étais interne en chirurgie viscérale, que j’ai souvent recroisé après être partie en anesth, et je savais qu’il bossait en chirurgie ambulatoire, donc je ne sais pas pourquoi mais j’avais justement pensé à lui hier soir ! Il avait vu mon nom sur la liste des patients du jour et a voulu faire mon entrée, sympa ! Bref, on discute, on rigole, il me prend les constantes et il vérifie que tout est en ordre. L’interne de chir ortho vient me signer les jambes. Dernier pipi et c’est déjà l’heure de descendre, le transporteur arrive, je n’ai même pas eu le temps ni eu le besoin de prendre le comprimé de Dormicum, c’est départ…


Alors que le transporteur pousse mon lit dans les couloirs, la première impression qui me vient à l’esprit, c’est que c’est « comme dans les films ». Je suis allongé à plat dans le lit et je vois le plafond défiler, comme dans les films où un blessé est amené aux urgences et on ne voit que le plafond et les néons. C’est bizarre et c’est surtout super glauque.

En arrivant au bloc c’est Stéphane, un infirmier instrumentiste, qui m’accueille. Bref, il fait les contrôles de routine : oui je suis la bonne personne, oui je confirme que l’opération est aux 2 jambes et que c’est bien signé, oui je suis à jeun et non je n’ai pas d’allergie. Puis j’attends, toujours dans mon lit, devant la salle d’op. Domitille vient me voir ; c’est une de mes supers collègues et amie à qui j’ai demandé de faire mon anesthésie, bref re-contrôle du sign-in avec les mêmes questions et on papote, on plaisante et on se fait un selfie. 



Je vois défiler plein de collègues dans le couloir : médecins, infirmiers, aides soignants… qui s’arrêtent tous pour discuter un peu et plaisanter, c’est super cool et rassurant. Le temps de finir de préparer la salle et on me fait rentrer. Je passe sur la table d’opération et on me colle les électrodes d’ECG, le brassard à tension et la satu au doigt, le BIS sur le front… des gestes que je connais par cœur. Giorgio, un aide de salle super sympa à qui j’avais demandé d’être sur mon opération, me raconte des blagues. Mireille, l’infirmière anesthésiste, me pose un venflon rose sur la main G, aïe ! Mais c’est vrai qu’on le sent encore même après avoir enlevé l’aiguille ! 


Je regarde le moniteur et je vois que je tape à 75/min : petite tachycardie à cause du stress mais ça va, je m’attendais à pire J. Petite photo souvenir avant le gros dodo, on me met le super masque bleu qui pue le plastique sur le visage et je fais de grandes inspirations pour faire le plus de réserves d’oxygène possible. En même temps Domitille me dit qu’elle me fait un peu de Dormicum, et je pense qu’il devait aussi y avoir du Fentanyl et un peu de lidocaïne histoire d’anesthésier la veine. Je continue à respirer à fond, je sens un peu de fuite au niveau de l’arrête du nez quand j’expire, je n’ai pas encore la tête qui tourne, je me souviens juste que le brassard à tension gonfle et que quelqu’un déplace la satu sur l’autre main, que quelqu’un dit que le Propofol commence (tiens, ben en fait ça ne brûle même pas, ça doit être grâce à la lido) et puis c’est…


Jusqu’à ce que je me réveille dans mon lit en salle de réveil ! Je suis complètement dans les vapes et je ne me souviens absolument de rien de la période per-opératoire, ni du début en salle de réveil ! Je regarde l’heure et je vois que j’ai un black-out total d’au moins 1h30 ! Je discute un peu avec Ludo l’infirmier qui me demande si j’ai des douleurs, mais non ça va. J’ai juste l’impression d’être hyper fatiguée et l’envie de dormir mais c’est sans compter avec cette alarme qui n’arrête pas de sonner quand je passe sous les 10 cycles respiratoires par minute… moi qui, même en temps normal, respire lentement ! Bref, je respire à fond pour faire arrêter cette satanée alarme et du coup je ne peux pas me rendormir. J’écris quelques sms et mais avec l’effet de l’anesthésie encore présent, ça donne de drôles de messages LOL.



Domitille me racontera plus tard ce que j’avais dit à mon réveil, un truc sur le MRSA (un très très méchant microbe qui hante les hôpitaux) et elle était morte de rire avec l’infirmière !!! Je reste encore environ 1h, le temps de recevoir un peu de Morphine (finalement pas beaucoup, seulement 6mg iv) et de voir défiler pleins de potes venus prendre des nouvelles : Domitille, Elie, Pierre mon ancien coach etc. C’est chouette !


Au moment où le transporteur me sors du bloc je sens la salive « monter dans la bouche », comme juste avant de vomir… punaise, mais c’est pas vrai, je viens de passer une heure au réveil sans problème et c’est au moment où je suis dans le couloir que je vais gerber ?!? Je respire tranquillement et finalement ça ne monte pas, ouf, j’arrive dans ma chambre à l’unité sans problème. C’est une chambre à 2 lits avec une petite vieille dame très sympathique et très cultivée comme voisine de chambre. Bref, il est 11h, j’ai la nausée et je commence à avoir la dalle, ceci expliquant sûrement cela. J’ai l’impression d’avoir attendu une éternité avant que le repas de midi arrive : des spaghettis, une salade verte et une part de tarte aux poires. 



Malgré la faim, je dois me forcer pour manger car je m’endors entre les bouchées ! Pas arrivée à terminer le repas, et toujours cette nausée avec en plus un mal de tête carabiné qui s’est incrusté… là, je pense que ça doit être le manque de caféine (comprendre par là : manque de coca) et, étant dans un tel état de larve et n’ayant pas encore pu me lever, j’ai choisi de faire un appel à un ami (et c’est mon dernier mot Jean-Pierre) en bipant Yves, un pote et collègue, pour le supplier de m’amener une bouteille car je savais qu’il ne commençait le boulot qu’à 13h. On discute un peu puis il part au bloc et je retombe dans un état de larve semi-conscient-semi-comateux-nauséeux… D’autres amis viennent me faire coucou (chacun avec une bouteille de coca LOL) : Laurence, Leona, Yahya… et je replonge entre temps. Les céphalées et les nausées ne passent vraiment pas, je prends un Dafalgan  mais rien n’y fait, et maintenant j’ai mal au bide.

Leona - Laurence - Yves

17h40 je décide d’aller aux WC pour rendre à César ce qui lui appartient, ou plutôt pour rendre à la cuvette mon repas de midi et du coup ça va un peu mieux mais ce n’est toujours pas ça. Je passe le reste de l’après-midi à comater, même pas la force d’aller sur mon ordi portable !

Vers 18h30, mon chirurgien passe faire la visite post-op avec l’interne d’ortho qui l’a assisté durant l’opération. Tout va bien, j’ai déjà pu me lever et marcher pour aller aux toilettes sans avoir besoin de cannes. Il me dit qu’au moment où il a incisé le fascia, le muscle a fait « PFOF ! » (sous-entendu qu’il était bien sous tension, alors qu’en ce moment il est plutôt souple pour moi !!!). Bref je lui repose encore quelques questions par rapport au post-op : rdv dans 10 jours pour un contrôle, ils ont utilisé des fils résorbables donc pas besoin de les enlever. Entre temps je peux marcher un peu mais sans forcer pour ne pas faire saigner, et surtout je dois faire des petits exercices doux de flexion dorsale des pieds plusieurs fois par jour, pour éviter que le fascia ne se recolle. Si dans 10 jours tout va bien, on commence la physio intensive pour mobiliser les fascias et drainer les muscles, pour justement et toujours éviter que le fascia ne se recolle.


19h : je n’arrive à rien manger du plateau du soir, d’ailleurs je n’arrive même pas à finir la bouteille de coca, c’est dire ! Puis l’infirmière fait sa tournée, je finis par lui demander un Zofran pour les nausées et je me couche à 20h comme les poules.

Nuit super chaotique, comme quand je dors ailleurs que chez moi. Je n’arrive pas à vraiment m’endormir, je me réveille toutes les heures. Vers 1h du matin une autre infirmière passe prendre les constantes. A 5h il y a du bruit dans le couloir. J’ai moins mal à la tête et moins de nausées, je commence même à avoir faim, j’attends avec impatience le petit-déj qui ne devrait pas tarder… ils le servent toujours hyper tôt en principe non ? 6h une aide soignante rentre dans la chambre, je me dis ça y est je vais pouvoir manger, mais non elle repart. 6h30 l’infirmière vient reprendre les constantes, un peu subfébrile à 37.5°, on discute un peu sur l’opération que j’ai eu puis elle repart et toujours pas de ptit déj. J’essaie de me rendormir en vain. Et finalement à 7h il arrive, yeah !!! Mais bizarrement en même temps je crève la dalle mais le pain-confiture ne me dit rien… Ma voisine allume sa télé pour regarder les infos et mon écran s’allume sur un épisode de Franklin ; j’essaye d’éteindre mon écran et c’est le sien qui s’éteint ! On était mortes de rire devant ces télés hantées et finalement j’ai débranché la prise de mon écran.


L’infirmier de la journée est passé et m’a enlevé les gros bandages : j’ai les jambes bien oedématiées avec la peau toute tendue, et même les pieds tous gonflés. En attendant les papiers de sortie, Laurence revient me rendre visite. Finalement je sors vers 9h30 en souhaitant un bon rétablissement à ma voisine. Je trainasse encore un peu à l’hosto pour voir des potes puis retour à la maison où j’ai juste glandé devant l’ordi et la télé… de toute manière je ne pouvais rien faire d’autre tellement j’étais encore shootée. 

J’ai passé la journée de samedi à transférer tous mes articles du blog d’overblog sur blogspot, travail fastidieux et qui m’a bien occupée ! J’en ai profité pour ajouter un article (la Strongmanrun 2010) et plusieurs photos. Côté jambes, ça tire quand je marche mais c’est très supportable avec les antalgiques (rien à voir avec les douleurs des cloques sous la plante des pieds après Roth qui, elles, étaient vraiment très douloureuses), faut juste pas que je touche.

Aujourd’hui, dimanche, à J+3 post-op j’ai encore un peu mal à la tête (toujours subfébrile) et les jambes sont encore bien gonflées et tendues. Mais la marche est plus facile même si je ne fais que marcher dans l’appart, et je continue mes exercices. Il fait beau mais pour l’instant c’est zéro sport donc je m’occupe comme je peux sur facebook, Onlinetri ou devant la télé, pas évident avec le mal de tête. Bref, une semaine de repos et rdv au prochain épisode le 18 août avec le chirurgien.



Finalement tout s’est relativement bien passé. J’ai beaucoup plus subi les effets de l’anesthésie que la chirurgie, et je constate que je supporte mal l’anesthésie générale malgré tous les médicaments de prévention contre les nausées et vomissements post-opératoires. Ça fait aussi très bizarre de se retrouver de l'autre côté du champ, ça permet de se rendre compte du vécu des patients ! Et surtout le plus frappant pour moi: d’avoir une période d’amnésie totale pendant le per-opératoire; j'ai beau essayer de me creuser les méninges pour essayer de me mémoriser quelque chose, un bruit une sensation, des paroles… en vain! Mais ce n’est pas le plus gênant, juste étrange. Sinon j’ai vraiment eu la chance d’avoir été entourée de plein d’amis et collègues aussi formidables à toutes les étapes de l’hospitalisation, ça rassure un max et rend le tout moins flippant, merci à tous !!!

3 commentaires:

  1. Et Clooney pour opérer, tu ne fais pas les choses à moitié et tu vas courir le marathon en moins de 3 heures, que du bonheur, j'espère...
    Philippe

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    1. Dr Ross, Dr Carter, Dr Greene... LOL
      bon je vois que t'as bien trouvé le chemin du nouveau blog, qu'est-ce que t'en penses? :-)

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    2. Le décor est moins joli et c'est un peu plus difficile de laisser un commentaire mais la pratique améliorera les choses. Sinon, c'est toujours agréable à lire....

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